Et ma cendre sera plus chaude que leur vie
La Terrasse
Marina Tsvetaeva
Je ne suis pas faite pour la vie. En moi « tout est incendie ! Je suis une personne écorchée, alors que vous portez tous une armure. Tous, vous avez ; l’art, la vie en société, les amitiés, les distractions, la famille, le devoir, moi, au fond, je n’ai RIEN. Tout tombe comme une peau et sous la peau il y a la chair à vif ou le feu : je suis Psyché.
Marina Tsvetaeva est l’un des plus grands écrivains du XXe siècle ; son destin en est l’un des plus tragiques. Il est inextricablement mêlé à l’histoire contemporaine de l’Europe, marquée par deux guerres mondiales et par l’avènement de deux régimes totalitaires.
Mis à sang par la Première Guerre, son pays, la Russie, devient le théâtre de la révolution d’Octobre, qui le plonge dans le chaos et la famine, avant de le soumettre à la guerre civile et à la terreur.
Faire resurgir cette incandescente est l’enjeu de ce spectacle dans lequel Clara Ponsot incarne celle dont Pasternak disait qu’elle était «une femme à l’âme virile, active, décidée, conquérante, indomptable» et qui, jusqu’au bout, n’aura envisagé la littérature que comme un absolu.
Scénographie
Partant des mots de Marina Tsvetaeva, j’ai imaginé Clara Ponsot dans une quasi immobilité. La poétesse revient sur les vestiges de sa vie, sur son itinéraire de création, assise sur une chaise placée au centre du plateau, avant de se glisser peu à peu vers la mort. Autour de cette chaise – Rien – le néant, le vide. L’histoire est toute simple : il y avait – une maison, il y avait – une vie, il y avait – un grand couloir à soi où l’on pouvait mettre – tout, et maintenant – il n’y a RIEN – et TOUT se révèle – de trop.
En contrepoint, des images projetées / à la fois celles d’une Russie en mutation (extraits d’Octobre d’Eisenstein) – celles d’une mer qui encerclerait la poétesse (extraits de Jamais la mer se retire de Ange Leccia) – elles viendront se confondre au récit, se confronter à lui et à l’écriture de Marina Tsvetaeva.
Lumière
On entend une voix avant de voir un corps. La lumière vient chercher celle que l’on découvre peu à peu. Alternance du chaud au froid avec des basculements parfois radicaux de l’un à l’autre. La lumière raconte et souligne ces moments où Marina Tsvetaeva passe de l’évocation enflammée de son rapport à l’écriture au récit glaçant de sa vie de femme et de mère.
La nuit transfigurée de Shoenberg était pour moi une évidence, une mise en abîme de l’essence même du texte, la transposition musicale de l’âme de la poétesse. L’oeuvre du compositeur vient ainsi se mêler à la voix sur certains passages et en souligne le lyrisme à la fois contenu et douloureux.
– Dans mes veines coule non pas du sang, mais de l’âme. J’ai fait de mon âme ma maison, – jamais de ma maison mon âme. Je suis absente de ma vie, je ne suis pas à la maison. Je sais qui je suis : une danseuse de l’âme.
ET MA CENDRE SERA PLUS CHAUDE QUE LEUR VIE
Librement adapté du recueil « Vivre dans le feu » présenté par Tzetan Todorov
D’après les carnets de notes de Marina Tsvetaeva
Traduit du russe par Nadine Dubourvieux
Mise en scène Marie Montegani
Avec Clara Ponsot
Nicolas Simonin (Création lumière-vidéo), Françoise Klein (Création costumes)