Andromaque – Première création

©Jean Piard
Marie Montegani, Hermione – David Ayala, Oreste 
 « Nous n’avons, je crois, jamais eu autant besoin de la tragédie qu’à présent pour repenser l’homme, le monde et son destin. »

Pourquoi la tragédie ?
La tragédie, objet imaginaire, n’existe pas en tant que péripétie, drame, tranche de vie. Elle existe en tant que phénomène esthétique, poétique, théâtral, en tant que lieu magique et espace interrogatif. Quand on a parcouru toute l’histoire de l’homme dans le temps historique, on est loin d’avoir fait tout son portrait.Quelque chose d’essentiel demeure dans l’ombre qui s’éclaire que dans la tragédie. Je considère pour ma part, la tragédie comme l’événement théâtral par excellence, ce que le théâtre apporte de radicalement différent de la vie et par là même de plus éclairant sur la vie. Nous n’avons, je crois, jamais eu autant besoin de la tragédie qu’à présent pour repenser l’homme, le monde, son jeu et son destin.Seule peut-être, la tragédie offre à l’homme la chance de se représenter lui même jusque dans ce qui reste en lui d’irreprésentable, de suspendu au mystère même de son existence.Dans Andromaque, échiquier mental et combat passionnel, le mythe se fait déjà histoire et l’histoire vision et ordre politique.Dans Andromaque, le désir est posé dans son intense problématique qui relève à la fois du sang, du pouvoir et du verbe : coup de sonde au milieu des énergies destructrices. Dans Andromaque, la langue se fait hymne, célébration du rythme et enchantement par la prosodie pour conjurer peut-être la sauvagerie des coeurs et des sexes.
Pourquoi Andromaque ?
Comme si cela ne devait pas aller de soi. Monter un classique suppose t-il de nos jours que l’on mette en avant les résonances contemporaines, les échos d’actualité qui justifierait une telle exhumation? La question est-elle de savoir pourquoi ou bien plutôt comment ?
Pour moi la seconde question comprend la première. Le pourquoi est dans la forme même, dans ce rituel qui prend chair du néant pour y retourner, dans ce simulacre dont le héros est le verbe. Je crois, tout simplement, pour le théâtre, pour cette relation d’hommes à hommes où se projettent toutes nos violences, cet état brut originel qui s’incarne dans le raffinement même de la langue de Racine. Paradoxe premier du théâtre, de lÕart qui met la forme au premier plan. C’est pour moi le coeur même de ce pourquoi, de ce mystère qui ne peut être révélé que dans la relation intime au spectateur, dans ‘l’ici et maintenant »de la représentation. Il me semble que le théâtre ne peut sans se corrompre, sans s’affadir, sans cesser d’être lui-même, chercher son pourquoi dans tel message politique, sociologique, ou même psychologique. Pour moi, l’universalité ou la modernité d’Andromaque ne résident pas dans sa capacité à faire écho à nos problèmes de société : ce qu’elle peut nous révéler est d’un autre ordre que seul le comédien sur scène peut nous faire approcher.
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Du Pourquoi au Comment…
Comment naît le théâtre ? Comment commencer ? Au commencement était le verbe : le verbe premier donne vie aux personnages et les sort de leur néant. Il m’apparait que la langue de Racine, le verbe, est le matériau et aussi le véritable héros déchiré qui se divise en voix, en personnages qui s’affrontent pour revenir à l’unité première, au silence. Il est le véhicule d’une émotion, il est le rythme de l’inconscient. La parole fragmentée donne naissance à différents personnages, génère le conflit, crée la tragédie : ainsi les acteurs partiront du néant, du silence, de l’obscurité. Ils seront recouverts de voiles (presque des linceuls) comme déjà morts de la dernière représentation, dans un hors temps. Ils s’animeront, se dévoileront, prendront chair, au fur et à mesure que la parole vivra.
 

Avec :
Véronique AFFHOLDER, ANDROMAQUE, veuve d’Hector, captive de Pyrrhus, mère d’Astyanax
Pierre MERMAZ , PYRRHUS, fils d’Achille, roi d’Épire
David AYALA, ORESTE, fils d’Agamemnon
Marie MONTEGANI, HERMIONE, fille d’Hélène, fiancée à Pyrrhus
Olivier Dutilloy, PYLADE, ami d’Oreste
Clémentine YELNICK, PHOENIX, gouverneur d’Achille, puis de Pyrrhus et CLÉONE, confidente d’Hermione
Sophie AFFHOLDER, CÉPHISE, confidente d’Andromaque

Musique : Pierre SAUVANET
Décor : Sylvia RHUD
Costumes : Françoise KLEIN
Lumière : Stéphane GRAILLOT