ESTHER / Création 2011
« Avec Esther, Racine invente une forme idéale de la tragédie »
Tragédie ou Opéra ?
Racine après douze années d’absence revient au théâtre avec Esther. Lully et Quinault sont morts et Mme de Maintenon donne « l’ordre » à Racine de se lancer dans l’écriture d’une œuvre pieuse « chantée et récitée », destinée à un usage privé et ainsi de délaisser pour quelques mois la rédaction de l’Histoire du roi. Un beau divertissement en perspective pour un homme de cour qui commençait à sombrer dans la morosité. Ce qui ne devait être qu’un acte pédagogique et de piété, finira non seulement offert aux regards de l’élite des courtisans de l’époque mais encore figurera dans la dernière édition de ses Œuvres pour entrer finalement au répertoire de la Comédie-Française. Racine a lui-même proposé à Mme de Maintenon le sujet d’Esther, l’héroïne et le personnage de Mardochée étant des modèles d’une piété très pure, ils se présentaient comme exemplaires pour l’instruction des jeunes filles de Saint-Cyr.
De toutes ses pièces, Esther est assurément celle dans laquelle Racine a suivi le plus fidèlement sa source. Il ne fut pas question pour lui d’altérer le message biblique et les modifications apportées au texte sacré n’excèdent guère les nécessaires contraintes du passage à la scène. Aussi réussit-il à se conformer strictement à la règle des trois unités en condensant des parties du récit biblique.
Le chant étant une contrainte pédagogique du projet, Racine lui accorda un soin extrême. Ce que cherche Racine avant tout, c’est donner à entendre la simplicité « sublime » des Psaumes. Il y parvient et se surpasse. Grâce à la commande de Mme de Maintenon, Racine invente donc une forme idéale de la tragédie, faisant alterner harmonieusement le dramatique et le lyrique, les émotions propres au tragique et l’émotion due aux cantiques, le déclamé et le chanté, une forme supérieure d’émotion théâtrale, le tout au service de la plus grande gloire de Dieu.
J’ai choisi que les personnages de la pièce soient tous interprétés par des comédiennes, comme ce fut le cas à la création avec les demoiselles de Saint-Cyr qui jouaient aussi bien les rôles de femmes que ceux d’Assuérus, d’Aman ou de Mardochée. J’ai rassemblé autour de moi six comédiennes capables de sublimer ma vision des personnages, de travailler jusqu’à l’épure le détail de chaque mouvement, de chaque alexandrin. Je me suis attachée à faire résonner Esther au confluent du théâtre et du sacré, en donnant cœur et corps à la langue de Racine.
Un chœur de femmes et de jeunes filles, dirigé par Chantal Dang (qui par ailleurs éclaire de son talent plusieurs des parties chantées) s’inscrit dans l’action dramatique et contribue par le chant, à approfondir l’émotion suscitée par le texte parlé. Il est soutenu par un continuo composé d’un clavecin et d’une basse de viole.
Thierry Escaich, compositeur et organiste de grand renom, en adaptant de façon originale les parties instrumentales de la musique de Jean-Baptiste Moreau, en ponctuant l’action dramatique et en accompagnant les grands monologues, de ses improvisations, ajoute à l’œuvre intensité et grandeur.
Notre travail commun a été de montrer à quel point cette pièce a su marquer l’aboutissement de l’art théâtral de Racine, « tant il réussit à y fondre, dans une poésie puissante, l’héritage antique de la tragédie ainsi que la mélodie envoûtante de l’opéra.
Esther, Jean Racine
Composition et Orgue Thierry ESCAICH
Direction musicale Chantal DANG
Assistante à la mise en scène Marjorie BERTIN
Avec :
Mathilde LECLÈRE, ASSUÉRUS, Roi de Perse
Élodie COUPELLE, ESTHER, Reine de Perse
Clémentine YELNIK, MARDOCHÉE, Oncle d’Esther
Marion CHAMPENOIS, AMAN, Favori d’Assuérus
Lucie TOULMOND, HYDASPE, Officier du Palais intérieur d’Assuérus
Ombeline DE LA TEYSSONIÈRE, ELISE, Confidente d’Esther
Romain BERTHEAU, Clavecin
Mathias FERRE, Viole de Gambe
Chantal DANG, Isabelle FREMAU
Bertille DE LA BROÏSE, Linda DE NAZELLE
Marie DE KERANGAL, Annick VILLEMOT