Cinécinéma / Chantier 2015 – Création 2016

©Julien Colardelle
Mathlide Leclère, Alba  – Marie Montegani, Olga – Véronique Ruggia, Nikky 
« Cinécinéma est pour moi la possibilité d’explorer une autre façon de s’emparer d’un texte de théâtre »

Gros Plan

Pourquoi le cinéma fédère-t-il autant le public ? Pourquoi suscite-t-il cette appétence si  caractéristique?

La raison repose dans cette composante fondamentale qui le distingue des arts majeurs : le visage filmé en gros plan.

En 1967, Ingmar Bergman déclarait : “ Mon rêve serait de faire un long métrage en un seul plan ; de maintenir l’intérêt autour d’un visage pendant une heure et demie ou deux ”

Mieux que quiconque, il symbolisa l’allégorie de l’incarnation picturale du visage à l’écran. Afin de dévoiler tout ce qui est caché au plus profond de l’âme humaine, l’objectif de Bergman plonge dans les visages de ces acteurs comme dans un paysage, comme dans un territoire infini mettant ainsi à nu leurs infimes variations émotives nous plaçant face à leur regard, à leur confidence, face à nous-même.

Aujourd’hui, le théâtre se sert de plus en plus des nouvelles technologies et metteurs en scènes ou chorégraphes s’emparent de l’image comme d’un nouveau moyen d’expression et surtout comme un nouveau mode de réflexion.

 Inspiré d’un documentaire où les principales actrices et épouses d’Ingmar Bergman témoignaient de leur relation ambiguë avec le réalisateur, Cinéma d’Erick Boronat propose une écriture nouvelle où la frontière entre la vie et la représentation est imperceptible.

Du Théâtre au Cinéma

L’histoire ; trois femmes ou plutôt trois actrices se retrouvent à l’initiative de la plus âgée dans sa maison au bord de l’eau, en Suède. Elles ont entre 35 et 60 ans et ont toutes les trois tourné sous la direction du même réalisateur, un homme de grand talent considéré comme un véritable génie cinématographique, qu’elles ont successivement épousé, avant d’être remplacé au profit de la suivante en tant qu’actrice et en tant que femme.

Mais s’agit-il d’un simple week-end afin d’évoquer de vieux souvenirs, une façon de parler à nouveau de celui qu’elles ont toutes aimé avec la même ardeur ou bien d’un règlement de compte où chacune d’entre elles aurait de brûlantes révélations à faire aux autres ?

À moins qu’il ne s’agisse d’un tournage où elles se retrouvent à nouveau réunies par celui qui a contribué à faire d’elles des actrices de renom mais qui, en les abandonnant tour à tour, a également fait d’elles non seulement des actrices de seconde zone mais aussi des femmes en perdition.

J’ai choisi que cette histoire qui débute sur un ton relativement léger pour se nouer au fur et à mesure à la façon d’un drame bascule et glisse progressivement du plateau de théâtre au cinéma. Cette irruption de l’image viendra capter les émotions de l’acteur au plus près, créant ainsi une mise en abîme du texte, de l’histoire même et finira par envahir l’espace, par absorber les personnages.

C’est pour moi, la possibilité d’explorer une autre façon de s’emparer d’un texte au théâtre.

Une écriture à inventer

Quelques notes à propos de Cinéma par Erick Boronat

1 / C’est toujours après coup que je découvre les enjeux réels de ce que j’écris sur le moment (écrire c’est avancer en terres inconnues pour s’apercevoir que toute cette étrangeté nous était familière et intime).

2 / m’engager sur la piste des femmes ! Mais pourquoi des actrices ? Passer quelques temps en leur compagnie. Parler avec elles. Parler d’elles.

3 / poursuivre mon interrogation sur la tragédie contemporaine, sur la faillite répétée de la fiction humaine qui n’a rien compris de la réalité du monde.

4 / m’interroger sur ce que dit le théâtre au temps du règne de l’image.

5 / Réflexion : si le théâtre se nourrit de fiction, il est en soi une réalité brute, ce que j’appellerais « une réalité live ». Le cinéma est une hyper fiction (bien qu’il entend rendre compte de la réalité, plus vrai que vrai, il est au fond dans l’immatériel le plus total. L’image filmée s’apparente à l’image rêvée.)…

6 / Très naturellement s’impose une écriture qui renvoie davantage à celle du cinéma. On pense à un scénario, tant par le découpage narratif que par le calibrage des dialogues, du moins en apparence…

7 / Apparemment pas grand-chose, et puis petit à petit une étrangeté, un mot à la place d’un autre, un souvenir, un secret, une apparition, un couteau dans le calme d’un week-end à la mer et enfin, le plongeon définitif … Réalité et fiction fracassées l’une contre l’autre car l’important est que surgisse le cri qu’il fallait libérer…

CINÉCINÉMA
Texte Erick BORONAT
Adaptation scénique et mise en scène Marie MONTEGANI

Avec Mathilde Leclère / Alba, Marie MONTEGANI / Olga, Véronique RUGGIA / Nikky  et Mathurin VOLTZ,  / Eurth
Julien COLARDELLE / réalisation des parties filmées – assisté au son de Naomie

Dossier complet du spectacle : CINÉCINÉMA